2009
Petits commerces. Immeubles abandonnés. Des portraits architecturaux. Je dévisage ma ville à la recherche de ces lieux désolés et désolants. Architectures modestes et devantures barricadées. Accès interdits et portes closes. Facades aveugles. Ruines modernes, recouvertes de journaux, de grillages, de métal, de tissus, de graffitis. Non-lieux anonymes et sans adresse. Symboles des changements urbains, du désinvestissements dans les quartiers populaires. Illustrations flagrantes de la dégradation du tissu social de certains quartiers montréalais et de la gentrification des autres. Ces lieux livides et invisibles sont maintenant voués à la destruction. Et pourtant, je les trouve beaux dans leur silence. Ils m’attirent. Des tableaux plats, riches de textures et de signes parfois organiques, presque cabalistiques par moment, véritables installations urbaines aux matières sculpturales. Vocabulaire de rectangles et de lignes: une porte, deux fenêtres. Un chaos symétrique.
Dans ces images sans profondeur de champ, j’exacerbe la frontalité documentaire et la planéité des choses. Dans ces modestes façades, je retrouve aussi la suite et l’équivalent urbain des bunkers allemands que je photographiais depuis 2 ans sur les côtes de Normandie. Mêmes apparences glauques. Mêmes visages menaçants dans la pierre grise. La suite logique d’un travail sur des paysages occupés.
Et, malgré l’aspect statique des sujets, j’ai le sentiment de devoir faire vite. Ces monuments du présent sont tous promis à une transformation éminente sinon à la destruction. Je documente frénétiquement autant que je met en valeur la nature sculpturale de ces sujets. Je laisse ensuite s’opérer le charme du réel.
Images rétives, résistance visuelle, rage de voir. Je photographie, tentant de donner une certaine noblesse, un aspect monumental à ces lieux voués à la disparition.