2003-2004
Les photographies couleur de la série Caux offrent une suite, ou plutôt le contrechamps de Jubilee. Ce que les hommes de Dieppe ont pu voir en débarquant. Un mur de pierre. Territoire géologique particulier, balayé par les vents violents de la mer, le paysage de cette partie du Pays de Caux agit encore comme une forteresse imprenable. Tout y semble d’une beauté dure et aride. Sanctuaire d’une mémoire douloureuse, l’Histoire semble pétrifiée dans ces lieux. Les ruines de cette partie du Mur Atlantic balisent la côte et révèlent toute l’austérité de l’endroit. D’un côté s’ouvre l’infini de la mer, une ligne. De l’autre, un mur de pierre qui bloque tout. Les falaises de craie blanche s’érodent et s’écroulent doucement, comme la mémoire. Les casemates, comme des trous béants sont partout, caveaux ouverts, cachettes oubliées. Ces vestiges sont le rappel d’un paysage occupé, jadis ultime rempart à prendre.
Dans ce paysage souvent monochrome, j’ai photographié la matière brute en utilisant les couleurs éteintes et minimales des lieux, dans le silence de l’hiver, sous des ciels chargés de menaces alors que toute chose y est drapée de mystère, d’une peau de lumière blafarde. Le long de cette côte, j’ai cherché les aspects sourds et silencieux de cette Histoire. Ainsi, par le biais du visible, j’ai voulu faire resurgir ce qui est inscrit dans ce territoire et surtout éveiller ce qui en est dramatiquement absent.